Pour accroître ses chances d’obtenir des financements climatiques, le Burundi a formé cinquante acteurs nationaux à la conception de projets. Grâce au soutien de la Francophonie, trois initiatives sont déjà prêtes à être soumises au Fonds vert pour le climat et au Fonds d’adaptation. 

La 29e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP29), tenue en Azerbaïdjan en novembre 2024, s’est conclue par un accord appelant les pays développés à fournir 300 milliards USD par an aux pays en développement d’ici 2035. Mais les besoins dépassent largement les promesses : les marchés émergents et les économies en voie de développement (hors Chine) devront mobiliser environ 2 400 milliards de dollars USD chaque année d’ici à 2030 pour financer leurs investissements liés au climat et à la biodiversité. 

Le Burundi, pays qui abrite une grande diversité d’écosystèmes allant de la savane à la forêt tropicale humide, est particulièrement vulnérable aux dérèglements climatiques, alors que 90 % de l’emploi total dépend du secteur agricole, selon la Banque mondiale. Ici comme ailleurs, les financements climatiques s'évèrent essentiels pour accélérer la transition vers une économie bas carbone, renforcer la stabilité politique et, bien sûr, accroitre la résilience et l’adaptation face au changement climatique. Fort de ce constat, le pays s’apprête à soumettre trois projets à des mécanismes multilatéraux de financement sur le climat.

Liévin Ndayizeye, de l’Office burundais pour la protection de l’environnement (OBPE), placé sous la tutelle du ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Élevage, rappelle la genèse de cette initiative : « Nous voulions que l’OBPE soumette des projets auprès du Fonds vert pour le climat et du Fonds d’adaptation au changement climatique. Mais nous nous sommes heurtés à un manque d’expertise et de données pour remplir les dossiers. » Or, l’expertise et les données sont les deux piliers sur lesquels reposent les projets de finance climatique. « Pour pouvoir soumettre des projets, il faut être capable de concevoir, rédiger et classer des notes conceptuelles solides. L’appui de l’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD) est arrivé en temps opportun. » 

Former une nouvelle génération d’experts 

En décembre 2024, sous la houlette de l’État burundais et de l’IFDD, organe subsidiaire de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), cinquante acteurs nationaux ont ainsi pris part à un renforcement de capacités durant deux semaines à Gitega (Burundi) : représentants de ministères, instituts, ONG et autres antennes techniques provinciales en charge de l’environnement. Certains étaient chevronnés, quand d’autres découvraient la rédaction de projets climatiques. 

Claude Nkurunziza, de l’Institut géographique du Burundi (IGEBU), compte parmi les bénéficiaires de la formation. « Jusqu’à aujourd’hui, dans notre pays, la mobilisation des financements climatiques reste faible », reconnaît-il. « Alors que ces financements sont fondamentaux pour améliorer les conditions de vie des populations et sauvegarder les ressources naturelles. » 

« Les participants ont commencé par s’approprier les documents de planification du Burundi sur la gestion du changement climatique », détaille Mathieu Biaou, expert en finance climat auprès de l’IFDD. « Ces documents montrent les efforts déjà effectués par le pays, et les lacunes existantes. Les acteurs ont ensuite étudié, secteur par secteur, les problèmes liés au changement climatique, afin de faire ressortir des solutions puis des résultats atteignables. » 

Monter ensemble des stratégies pour affronter les problèmes 

Pour coller aux exigences du Fonds vert pour le climat et du Fonds d’adaptation, les participants ont travaillé en groupe à partir des canevas officiels et rédigé des notes conceptuelles. « Pendant la formation, les bénéficiaires étaient confrontés aux impacts du changement climatique et c’est ensemble qu’ils ont mis en place des stratégies », souligne Liévin Ndayizeye. « Pour cela, il leur fallait comprendre en profondeur la complexité des défis que la population doit relever au quotidien sur différents plans : agriculture, eau, énergie, santé, infrastructures, etc. D’ailleurs, les populations locales ainsi que des experts locaux ont été consultés dans chaque secteur. » 

 

Le défi majeur des données 

Un obstacle majeur subsiste : la faible quantité de données récentes et fiables. « De nombreux documents datent d’il y a une dizaine d’années », déplore Liévin Ndayizeye. « Par exemple, certains impacts visibles du changement climatique comme des inondations, des glissements de terrain ou des précipitations exceptionnelles doivent être mieux consignés. » 

« Parfois, nous avons dû extrapoler des données de la sous-région », ajoute Mathieu Biaou. « Les outils sont désormais entre les mains des acteurs et le focus doit être mis sur la documentation et les données de qualité pour faciliter la communication avec les bailleurs de fonds. Les acteurs doivent avoir les moyens de relever des données selon les exigences de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique pour aboutir à des documents standardisés. » 

Claude Nkurunziza confirme : « Dans mon secteur par exemple, qui est la cartographie, nous n’avons pas les outils nécessaires pour faire de la collecte de terrain ou de la télédétection au moyen de drones ou de données satellitaires, bien que nous soyons formés. Ces données sont primordiales pour évaluer l’impact du changement climatique en comparant les situations à différents moments. » 

Le cercle vicieux se perpétue : pour avoir des financements, il faut des données et pour produire des données, il faut des financements. « Heureusement, le partage de nos expériences durant cette formation a été fondamental », ajoute Alexis Nikiza, directeur général de l’Association de protection des ressources naturelles pour le bien-être de la population burundaise (APRN/BEPB) et participant à la formation. « Collectivement, nous comptons améliorer notre façon de travailler mais aussi nouer des consortiums entre nous et élaborer plus de projets ensemble. » 

Trois projets, trois régions, trois secteurs  

Trois projets ont donc été développés à l’issue de la formation organisée par l’État burundais et l’IFDD. D’un budget global de 39 millions d’euros, ces projets seront soumis notamment au Fonds vert pour le climat et au Fonds d’adaptation.  

  • Le projet de renforcement des capacités d’Adaptation des petits producteurs agricoles et de leurs systèmes de production face aux effets néfastes des changements climatiques dans les dépressions de Kumoso mobilisera un budget de 9,8 millions d’euros.
  • Le projet de restauration des milieux dégradés de la région de Mumirwa et amélioration des conditions de vie des populations locales dans un contexte des changements climatiques mobilisera un budget de 4,1 millions d’euros.
  • Le projet de substitution du bois énergie et du charbon de bois par la promotion du biogaz dans la ville de Bujumbura mobilisera un budget de 25 millions d’euros.

« A la suite de la crise politique de 2015, beaucoup de bailleurs se sont retirés du Burundi, mais des structures comme la nôtre ont tenu le coup », constate Alexis Nikiza, avant de conclure : « Les bailleurs nous entrouvrent à nouveau leur porte, nous devons les aider à aller plus loin. L’équité au niveau mondial ne peut passer que par l’investissement des pays du Nord dans les pays du Sud. » 

 

(Image en une : Faille de Nyakazu au Burundi CC BY-SA 4.0)

Accompagnement des transformations en matière d’environnement et de climat au Burundi

SÉLECTIONNÉ POUR VOUS