Education et formation professionnelle : les attentes de la jeunesse tchadienne

Webzine "Education des filles et formation professionnelle des femmes"

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Par André Boutna

 

Inscrit dans un contexte régional fragile, avec des crises à ses frontières et l'activité persistante de Boko Haram autour du Lac Tchad, le Tchad se mobilise aujourd’hui en faveur de l’emploi, de l’éducation et de la formation professionnelle des jeunes.

 

Une priorité

Dans un pays où la faible qualité de l’éducation, l’extrême pauvreté, les inégalités structurelles et les violences faites aux femmes et aux filles sont autant des facteurs qui ne permettent pas d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement, les enjeux d’une meilleure adéquation formation-emploi sont immenses.

Accroître les capacités d’accueil des structures de formation professionnelle, rationaliser l’offre en la mettant en adéquation avec le marché de l’emploi, professionnaliser les filières d’enseignement supérieur : une priorité du gouvernement dans un cadre difficile :

° 78 % de la population est analphabète

° 62 % des enseignants du primaire n’ont pas de qualification professionnelle

° Plus de 85 % des 35 % d’élèves qui achèvent le primaire ne disposent pas des connaissances et compétences suffisantes en lecture et en mathématiques

° Seuls 35% des filles étaient scolarisées en 2012

(Rapport d’état du système éducatif national (RESEN) de 2016)

 

Le système éducatif

Le système éducatif tchadien s’est développé lors de périodes d’accalmie durant lesquelles se sont combinées l’impératif de continuité des services de l’État et la volonté de reconstruction politique et sociale post-conflit. Dans ce contexte de faiblesse de l’offre éducative, les familles tchadiennes se sont mobilisées en organisant elles-mêmes les classes de primaire. Elles ont recruté et rémunéré la grande majorité du corps enseignant de leurs enfants, des enseignants communautaires souvent insuffisamment formés ne pouvant garantir la qualité de l’éducation.

En conséquence, une grande majorité d’élèves sort du système éducatif sans qualification. Les entreprises peinent à trouver la main d’œuvre qualifiée et recourent à de la main d’œuvre étrangère ou envoient les nouveaux recrutés se former à l’étranger.

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30% de filles au BAC

Bien que les parents soient encore réticents à laisser les jeunes filles aller à l’école à cause des cultures, des traditions ou de la situation économique de la famille, que nombre d’entre eux ne croient toujours pas à la réussite d’une fille à l’école - elles sont les premières à être retirées prématurément du système scolaire en cas de difficultés financières - d’une manière générale, la scolarisation et en particulier celle des filles est en hausse au Tchad où les habitudes changent.

Aujourd’hui, au primaire, le nombre des filles talonne de plus en plus celui les garçons. Les filles sont de plus en plus nombreuses, tant dans les classes littéraires que scientifiques du secondaire. Chiffre encourageant : en 2016, 30% des candidats au baccalauréat étaient des filles.

 

C’est au Sud du pays que le niveau de scolarisation globale est le plus élevé. Mais le phénomène de déperdition scolaire reste important, en particulier dès que les jeunes filles deviennent pubères. Aujourd’hui, nombre d’écoles sont construites en tenant compte des espaces d’intimité nécessaires. Des latrines séparées pour les filles et les garçons sont installées et l’on constate de ce fait une augmentation du taux de scolarité des filles.

 

Accroitre le niveau de scolarisation des filles

Les initiatives

 

La distribution de vivres dans les écoles

« Au début, pour inciter les filles à se rendre plus souvent à l’école, on a décidé d’offrir le repas de midi aux enfants, raconte le Tchadien André Boutna, référent Egalité Femme Homme au sein de la DPDS (Direction de Programmation et de Développement Stratégique). Mais ça ne marchait pas. Les filles restaient avec leurs mères aux champs. Alors on a imaginé une autre formule : la distribution de vivres. La fille qui va en classe reçoit de la céréale et la rapporte à la maison. Et ça marche ! Depuis la mise en place de cette mesure, les parents sont plus facilement enclins à envoyer leurs enfants à l’école, surtout au Nord du Tchad, la région la plus pauvre et la plus marginalisée où le niveau de scolarisation reste très bas. 

L’OIF a le pouvoir d’amener les gens autour d’une même table pour qu’ils échangent les bonnes pratiques et se projettent dans l’avenir au travers d’actions concertées. En tant que Tchadien, c’est ce que j’attends de cette conférence ! »

 

La pénalisation du mariage précoce

À plus de 84%, la raison majeure de l’abandon scolaire des filles est le mariage précoce.

Pour lutter contre ce fléau, un certain nombre d’efforts ont été déployés ces dernières années et en particulier sa pénalisation, un projet de loi porté par la première dame Hinda Déby Itno. Dans un pays à majorité musulmane, où le poids culturel et religieux influence la pratique maritale, c’était assez inédit et courageux. En janvier 2015, une campagne nationale a donc été lancée sous le haut patronage du président Idriss Déby Itno et de la première dame, et la loi a été adoptée le 21 juillet de la même année.

En dépit de cette initiative gouvernementale, les obstacles d’accès à la justice restent nombreux : faible ratio d’avocats (174 pour 11 millions d’habitants), majoritairement localisés à N’Djamena, méconnaissance de leurs droits par les Tchadiennes, puissance des règles coutumières, absence de preuves en raison de la difficulté à prouver sa minorité faute d’acte de naissance... Dans son rapport annuel de 2015, la Ligue tchadienne des droits de l’Homme affirme que : « Malgré cette bonne volonté, les pesanteurs socioculturelles font que le phénomène persiste. »

 

La loi

La loi N°029/PR/2015 du 21 juillet 2015 intègre l’ordonnance présidentielle portant interdiction du mariage d’enfants qui fixe l’âge minimum du mariage à 18 ans, affirme que le consentement des époux mineurs ne peut être invoqué pour justifier le mariage d’enfants et que toute personne forçant une personne mineure à se marier peut être punie d’une peine d’emprisonnement de 5 à 10 ans assortie d’une amende de cinq cents mille à cinq millions de francs (art.4). Ces peines sont aussi valables pour toute autorité civile, religieuse ou traditionnelle qui célèbrerait un tel mariage.

Dans la dernière version du Code pénal adopté le 12 décembre 2016, l’article 359 stipule que« commet une atteinte sexuelle et sera puni de deux à dix ans d’emprisonnement, quiconque sans violence, entretient une relation sexuelle ou pratique des attouchements de nature sexuelle sur la personne d’un enfant de l’un ou de l’autre sexe âgé de moins de treize ans ».

 

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Plus de 2/3 des Tchadiennes ont été mariées avant leur majorité

 

28% des femmes ont été mariées avant l’âge de 15 ans (Source ONU)

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