Entretien avec Djibril BA

Secrétaire général de l'Association pour la protection de l'environnement et l'Action humanitaire (APEAH)

cDjibril BA est professeur de français et Secrétaire général de l'Association pour la protection de l'environnement et l'Action humanitaire(APEAH) en Mauritanie. Cette ONG qui existe depuis plus de 11 ans travaille principalement sur les problématiques environnementales ainsi que sur les questions des droits humains.

Depuis combien de temps APEAH entretient-elle des liens avec l’Organisation internationale de la Francophonie ?

A titre personnel et en tant que Mauritanien francophone je m’intéressais beaucoup à la Francophonie. Il y a 4 ans avec APEAH nous avons décidé de postuler pour l’obtention d’un financement pour la réalisation d’un projet intitulé Protection, éducation et reconversion professionnelle des jeunes filles domestiques à Nouadhibou. Ce projet est intervenu dans un contexte marqué par une atteinte aux droits et à la protection de jeunes filles domestiques à Nouadhibou, capitale économique de la Mauritanie. Ces filles souvent sans attache sont employées de manière opaque et parfois comme esclaves domestiques. Elles sont confrontées à un vaste éventail d’abus très graves et sont systématiquement exploitées au travail. Elles ignorent qu’elles ont des droits et ne savent pas qu’elles peuvent recourir à la justice pour régler leurs problèmes. L’objectif de l’initiative est  d’apporter des changements de mentalités et de comportements aussi bien chez les filles domestiques que chez ceux ou celles qui sont chargés de les encadrer et les assister, tels que le personnel de la coordination régionale du Ministère des affaires sociales de l’enfance et de la famille ou les ONG qui opèrent dans le domaine de l’enfance et des droits humains. Au cours de la même année l’OIF a lancé son appel à candidature pour l’accréditation des OING et ONG auprès de la Conférence et APEAH a été retenue. 

Qu’est-ce que cette accréditation représente pour concrètement pour APEAH ?

Cela a été extrêmement important pour APEAH. Tout d’abord pour sa visibilité mais également pour ses actions sur le terrain. Nous avions déjà travaillé à l’intérieur de la Mauritanie avec les Ambassades de France et de Hollande mais la Francophonie à réellement été notre premier contact avec l’échelon international. Nous avons eu accès à un grand nombre d’acteurs de la société civile à travers tout l’espace francophone, ainsi qu’à plusieurs formations en ligne. Aux côtés de la Francophonie nous avons aussi pu développer d’autres projets notamment grâce l’Appel à initiatives en faveur de la société civile engagée pour les ODD. Le projet que nous avions proposé consistait à former 30 éco-ambassadeurs pour les sensibiliser à la conservation de l’écosystème marin et côtier de la Baie du Lévrier en Mauritanie. Ce dernier a été retenu ! Les activités du projet ont ainsi porté sur la formation des jeunes bénéficiaires directs et la sensibilisation du public cible (institutions, associations, élus locaux  etc.) et des bénéficiaires finaux (les usagers de la baie, les pêcheurs, mareyeurs, les populations de Dakhlet Nouadhibou). Dans le cadre de ce projet nous avons travaillé de concert avec Agirabcd une autre ONG française.

Cela vous semblait donc très naturel de vous intéresser au Fonds de solidarité la Francophonie avec Elles

C’est vrai que de fait nous étions très sensibles aux actions portées par la Francophonie. Nous nous tenions régulièrement informés des différentes actualités et nous avons été très intéressés par cette initiative dès son lancement. Par ailleurs, nous savions qu’au niveau de Nouadibou il y a des femmes qui travaillent dans le secteur de la pêche et que l’on appelle des mareyeurs, qui ne bénéficiaient d’aucun soutien et qu’il fallait aider sur le plan opérationnel et matériel. Nous avons rencontré les coopératives et nous leur avons proposé ce projet qui consistait à soutenir l’autonomisation des femmes de la pêche artisanale à travers la professionnalisation de leurs activités, à lutter contre la pauvreté des ménages dirigés par des femmes en améliorant à long terme les conditions économiques et environnementales de celles-ci. Après cela nous avons soumis notre candidature à l’OIF. Celle-ci a été retenue. le projet est même arrivé 6e sur les 59 proposés. Il portait sur le financement d’activités génératrices de revenus au profit de près de 400 femmes regroupées au sein  de 10 coopératives féminines ; le renforcement des capacités des femmes impliquées dans la commercialisation des ressources marines ; la mise en place d’infrastructures commerciales de valorisation et de conservation des produits halieutiques (moyens de congélation), la mise en place de mécanismes d’appui et d’accompagnement des projets gérés par les femmes et enfin une initiation aux règles d’hygiène, d’environnement et de sécurité.

Est-ce que le fait d’être une ONG accréditée auprès de la Francophonie a une importance particulière auprès de la société civile Mauritanienne ?

Oui absolument, nous le percevons tous les jours… Notamment parce qu’ici en Mauritanie, beaucoup d’ONG ne savaient pas qu’il existait ce partenariat entre la Francophonie et la société civile. D’ailleurs cette année un plus grand nombre d’ONG Mauritaniennes a postulé à la seconde édition du Fonds la Francophonie avec Elles mais également à l’appel pour se faire accrédité auprès de la Francophonie.

Tout cela finalement grâce à vous…

Grâce à nous oui, grâce aux actions que l’on a mené sur le terrain, grâce à la visibilité que nous déployions également. La population a commencé à comprendre que la Francophonie est vraiment présente en Mauritanie et qu’elle s’appuie sur la société civile pour réaliser des actions concrètes.

Quelle est la place de la société civile en Mauritanie ?

La Francophonie doit marquer d’avantage sa présence en Mauritanie, tout d’abord parce que le français perd du terrain mais aussi parce qu’elle partage avec la Francophonie un certain nombre de valeurs. La collaboration que nous avons avec la Francophonie nous aide à régler certains problèmes que nous rencontrons en Mauritanie. L'OIF accompagne la société civile Mauritanienne dans sa quête de démocratie, de justice, d’égalité femme homme, etc. C'est le message que nous tenons et transmettons lorsque l’on s’exprime sur notre collaboration et notre présence au sein de la COING. Nous rappelons aux ONG locales qu’il y a une opportunité réelle à saisir!

Est-ce qu’il y a selon vous et d’une manière générale, une écoute suffisante entre la société civile et les Etats et gouvernements ?

De mon point de vu c’est un réel enjeu. La société civile est partie prenante dans toutes les négociations. Lorsque l’on parle de dialogue national il y a les partis politiques mais également la société civile. Nous pensons donc que le préalable c’est tout d’abord d’avoir une société civile forte. Une fois que cette société civile est renforcée, elle doit également être considérée comme un véritable partenaire des gouvernements alors seulement elle peut être en capacité de faire bouger les lignes. Avec APEAH on travaille au niveau local avec les autorités mais nous souhaiterions avoir plus d’envergure afin d’être reconnu au niveau national afin que l’association puisse faire prévaloir ses idées. Nous faisons du plaidoyer, nous avons envoyé récemment une lettre au Président de la République afin qu’il puisse acter de cette volonté populaire d’encourager un dialogue entre toutes les forces vives de Mauritanie. Ce point est très important pour nous car il nous permet d’avoir une position réelle au sein de la société civile Mauritanienne.

 

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