Retrouvez le message de Louise Mushikiwabo à l'occasion du concert en hommage à Manu Dibango, diffusé le 20 juin 2020 sur TV5MONDE, à la veille de la fête de le musique.

Le 24 mars dernier, s’éteignait Manu Dibango, le « Papa manu » de plusieurs générations d’amateurs des rythmes de l'afro-jazz et du métissage musical. Ce grand artiste que j’ai eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises, dans les années 90 et plus tard en 2006, bien avant que je ne rejoigne la Francophonie institutionnelle.

Le 24 mars dernier, l’heure était au recueillement et à la nécrologie. En ce début de confinement imposé par ce terrible fléau qui l’a emporté, nous parlions tous de « légende », d’ « icône », de « musicien fétiche ». Nous l’avons, à juste titre, immédiatement placé au panthéon des « Anges noirs », pour reprendre le nom de la célèbre boîte de Bruxelles où, dans les années 50, il aimait à se retrouver parmi des Congolais qui négociaient l’indépendance.

Avec le grand concert organisé par TV5MONDE, Africa radio et l’Organisation internationale de la Francophonie à l’occasion de la « Fête de la musique », l’heure est bien, aujourd’hui, à la fête ! Les plus grands noms de la musique africaine se sont réunis pour un concert inédit, en hommage à Manu Dibango et intitulé « L’Afrique fête la musique », qui sera diffusé ce 20 juin à 20h50 sur TV5 Monde.

C’est donc d’abord, le musicien intégral que je veux fêter, le compositeur, le chanteur, l’instrumentiste.  Pour beaucoup, Manu Dibango est indissociable du saxophone, cet instrument si caractéristique du jazz qu’il a découvert, dès son adolescence, grâce à son compatriote Francis Bebey, comme lui, exilé en banlieue parisienne. Mais c’était surtout un homme-orchestre capable de manier plusieurs instruments avec une aisance sans pareille. Mais ce que j’aimais par-dessus tout chez Manu Dibango, c’était sa capacité à raconter des histoires avec sa musique. Il parvenait à toucher la sensibilité de tout le monde, en dressant le portrait complexe de la vie à travers des titres aux mélodies inoubliables. 

Car je veux aussi fêter aujourd’hui Dibango l’Africain universel. Celui dont la voix familière a résonné sur les ondes d’Africa Radio pendant 20 ans et qui voulait se faire entendre de toute l’Afrique. Celui qui, dans les années 70, a fait retentir le « Soul Makossa », inspiré des rythmes des rues de Douala, dans les stades de la Coupe d’Afrique des Nations célébrée à Yaoundé en 1972, jusqu’aux fins fonds des banlieues américaines, en passant par tous les bons clubs de jazz du monde. Ce refrain, suivi de tant d’autres rythmes entraînants, a contribué à la juste réputation de ce « bâtisseur de ponts entre l'Occident et les Afriques », comme il se définissait lui-même. Et ce sont bien les Afriques, c’est bien cette riche diversité musicale africaine, que Manu Dibango, grâce au partenariat avec mon ami Yves Bigot, actuel directeur général de TV5MONDE, a mis en valeur dans « Wakafrika ». Cet immense album de reprises des plus grands succès africains avec des artistes de ce continent, comme Youssou N'dour, Salif Keïta, Angélique Kidjo ou Papa Wemba et des musiciens internationaux du niveau de Peter Gabriel ou Sinéad O'Connor, pour ne citer qu’eux, est un bel exemple de ce dialogue des cultures auquel Manu Dibango était si attaché.

Ce dialogue des cultures est au centre de la Francophonie dont nous fêtons cette année le cinquantenaire. Manu Dibango a fait preuve d’une disponibilité constante et d’un engagement résolu à défendre la diversité culturelle francophone, il a été le parrain officiel de la vingtième édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) et surtout, le Grand Témoin de la Francophonie pour les Jeux olympiques et paralympiques de Rio 2016.  En tant que Secrétaire générale de la Francophonie, je veux fêter aujourd’hui, Manu, le francophone convaincu, ouvert à toutes les langues et à toutes les cultures.

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