Les Ambassadeurs francophones ont échangé le 21 décembre 2023, au siège des Nations Unies, avec Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, sur les préparatifs et les discussions intergouvernementales qui conduiront au Sommet de l’Avenir en septembre 2024, sur l’adoption, attendue du Secrétariat, du cadre d’action stratégique sur le multilinguisme à l’ONU, ainsi que sur les situations de crise.  

Bien que dense, cet ordre du jour a permis un dialogue sincère et en profondeur avec le Secrétaire général, et l’énoncé de divers engagements du Secrétariat au regard des préoccupations rappelées par le Groupe francophone, singulièrement dans le domaine de la diversité culturelle et linguistique et de la gouvernance du numérique.  

Le Président du Groupe, Représentant permanent de Djibouti, a d’emblée exprimé le plein soutien du Groupe des Ambassadeurs francophones au Secrétaire général et à l’ensemble de ses efforts pour la paix, soulignant que la valeur de la paix, au fondement de la Charte des Nations Unies, est également au cœur de la Charte de la Francophonie.  

La revitalisation du multilinguisme à l’ONU pourrait paraître accessoire face à l’ampleur des crises que traverse la communauté internationale. Pourtant, comme l’a dit avec force le Président du Groupe francophone, le Groupe a la conviction que le respect de la diversité culturelle et linguistique à l’ONU représente une solution évidente face au manque de confiance entre les Etats membres et au désengagement qui est constaté. La langue est et restera au cœur de la diplomatie.  

Dans le même sens, la Représentante de l’OIF a rappelé les valeurs cardinales qui irriguent les plaidoyers de Louise Mushikiwabo, Secrétaire générale de la Francophonie : la promotion de la diversité culturelle et linguistique d’une part, l’équité et la solidarité d’autre part. Ces valeurs sont en effet au cœur de la contribution de la Francophonie aux consultations onusiennes organisées dans le cadre de l’élaboration du Pacte numérique mondial de même que du Nouvel agenda pour la paix.  

Le Secrétaire général de l’ONU a souligné combien l’année 2023 marquée par des conflits qui font rage et le dérèglement climatique, a mis à mal la solidarité et la coopération internationale. Dans ce contexte, l’effort pour le multilinguisme est une question essentielle afin de garantir une action internationale qui prenne vraiment en compte notre pensée, notre culture et de toutes les nuances que nous souhaitons exprimer, particulièrement dans un monde où règne la méfiance.  

Evoquant sa détermination à relever ces défis, le Secrétaire général a annoncé que le cadre stratégique sur le multilinguisme sera publié dans les six langues officielles de l’ONU au premier trimestre 2024. Ce cadre soutiendra les besoins linguistiques dans les processus de travail à l’ONU et poursuivra l’objectif clair d’atteindre la parité entre le français et l’anglais dans le travail de l’ONU, et la parité des six langues officielles au niveau des processus intergouvernementaux.  

Le Secrétaire général a par ailleurs salué le soutien du Groupe francophone à sa feuille de route « Notre programme Commun » et aux préparatifs du Sommet de l’Avenir de septembre 2024. Il a exhorté les Ambassadeurs francophones à pleinement s’engager lors de la négociation du Pacte de l’Avenir, document politique appelé à être adopté lors du Sommet de l’Avenir. Autre résultat majeur attendu de ce Sommet, le Pacte numérique mondial, qui sera négocié au cours du premier semestre 2024, constitue une opportunité unique de façonner une transformation numérique. Celle-ci, loin d’affaiblir la diversité, doit permettre de réduire les fossés linguistiques. Pour le Secrétaire général, le numérique est devenu un facteur d’inégalité. Il doit être utilisé avec tout son potentiel en mettant en valeur la diversité des langues, indispensables à l’expression de nos cultures. Le secteur privé devra, dans ce sens, être sensibilisé à l’importance de la diversité linguistique.  

De la même manière, le Secrétaire général a appelé à œuvrer pour un cadre de gouvernance globale de l’intelligence artificielle qui ne reproduise pas les biais actuels, y compris linguistiques. Ces enjeux devront être traités par le Groupe consultatif de haut niveau sur l’intelligence artificielle mis en place par le Secrétaire général en octobre 2023.  

Le multilinguisme est donc, selon les mots du Secrétaire général, « la pierre angulaire de notre travail, contribuant à une ONU plus inclusive, efficace et transparente ».  

Réagissant aux questions des Ambassadeurs francophones et abordant les situations dans diverses régions, le Secrétaire général a évoqué la préoccupation fondamentale de l’ONU vis-à-vis du Sahel, aussi bien que les situations en Afrique centrale et en Haïti. Il est revenu sur l’importance des travaux du Conseil de sécurité créant les conditions pour la mise en place de forces robustes africaines de lutte contre le terrorisme et d’imposition de la paix avec un financement principal des Nations Unies. Pour le Secrétaire général, ces forces seront un instrument essentiel pour une action efficace d’imposition de la paix, en complément des opérations de maintien de la paix onusiennes. De façon plus large, il a évoqué l’urgent besoin de réformes, puisque les institutions multilatérales créées en 1945 ne correspondent plus à la réalité d’aujourd’hui, à l’instar du Conseil de sécurité et des institutions de Bretton Woods. Le Secrétaire général a mis l’emphase sur l’indispensable volonté des Etats d’adapter les institutions multilatérales au monde d’aujourd’hui, et de renforcer leur légitimité comme leur capacité opérationnelle. 

Dans les diverses situations de crise au sein de l’espace francophone, le Secrétaire général a réitéré la volonté de l’ONU de travailler avec l’OIF, compte tenu de son expérience de médiation, d’appui aux processus électoraux et politiques, d’appui aux droits de l’Homme et au développement durable.  

Les Ambassadeurs francophones se sont félicités des engagements pris par le Secrétaire général en faveur du multilinguisme, en particulier dans le contexte des préparatifs du Sommet de l’Avenir lors desquels l’inclusivité et la capacité de dialoguer avec une multitude d’acteurs seront déterminants pour contrer l’érosion de la confiance dans le système multilatéral. Le multilinguisme représente à l’évidence un élément clé de ce processus. Il doit recevoir une attention soutenue et permettre à tous les Etats de négocier d’égal à égal.

(UN Photo/ Manuel Elias)

SÉLECTIONNÉ POUR VOUS