A l’occasion de la Journée mondiale de la Justice internationale, le 17 juillet 2023, retour sur les actions de l’OIF en faveur du multilinguisme au sein de la Cour pénale internationale. Exemple concret avec la juge Flores de la CPI, qui évoque les bénéfices qu’elle retire de sa formation en français.

Partenaires de longue date pour le renforcement des capacités en français de la Cour pénale internationale (CPI) et de ses agents, la CPI et l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ont déployé un module en communication professionnelle et français juridique développé sur mesure pour répondre aux besoins langagiers spécifiques de la Cour, qu’ils proviennent de la Présidence, des Chambres, du Bureau du Procureur ou du Greffe.

Lancée d’abord en tant que projet pilote en 2021-2022, cette formation a bénéficié depuis à une quarantaine de fonctionnaires de la Cour. Ils ont été formés à effectuer la quasi-totalité de leurs tâches professionnelles en français, avec le soutien de l’équipe de l’Alliance française de La Haye, prestataire de formation linguistique de la Cour.

Aux agents formés via ce programme s’ajoutent 7 Juges de la Cour, à qui sont dispensés des cours particuliers de français juridique, portant ainsi le nombre de Juges francophones de la CPI à 10 sur le total de 18 Juges que compte la Cour.  

Interrogée sur les bénéfices de la formation individuelle en français dispensée aux juges de la CPI, l'une des participantes au programme, Madame la Juge Kimberly Prost, a déclaré : « Ce programme m'a été d'une grande utilité professionnelle. Les cours hebdomadaires sont axés sur mon travail : terminologie, concepts juridiques, événements pertinents. En conséquence, mon niveau de compréhension et de communication en français s'est considérablement amélioré. Je ne peux qu'espérer que le programme se poursuivra et que d'autres juges en bénéficieront également. »

La CPI est la première cour pénale internationale permanente, fondée sur un traité, créée pour contribuer à mettre fin à l'impunité des auteurs des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale, à savoir les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, le génocide et le crime d'agression. Le Bureau du Procureur de la CPI mène des enquêtes concernant 17 situations : en Ouganda, en RDC, au Darfour (Soudan), en République centrafricaine (I et II), au Kenya, en Libye, en Côte d’Ivoire, au Mali, en Géorgie, au Burundi, au Bangladesh/Myanmar, en Afghanistan, en Palestine, Philippines, au Venezuela I et en Ukraine. Dans ce cadre, 31 affaires ont été ouvertes. La Cour mène donc des enquêtes concernant de nombreux pays francophones. Les langues de travail de la CPI sont l’anglais et le français, et ses six langues officielles sont l’anglais, le français, l’arabe, le chinois, l’espagnol, et le russe. Près de 900 membres du personnel originaires d’environ 100 pays travaillent à la Cour, ce qui en fait une organisation fortement multilingue.

La coopération linguistique de l’OIF avec la CPI s’insère dans le cadre plus large de l’appui au renforcement du français et du multilinguisme que propose l’OIF à ses Organisations internationales et régionales partenaires. Cet appui se concrétise par des activités de renforcement des capacités en français au sein des Organisations (formations linguistiques et techniques en français, développement d’outils structurants, notamment en lien avec l’intelligence artificielle, appui au recrutement de francophones et à la valorisation des compétences plurilingues des agents, ateliers professionnels en français, etc.), par le développement d’outils de sensibilisation mais aussi de formation et d’auto-formation en français, ainsi que par la création de synergies, d’espaces de dialogue et de partage d’expérience entre Organisations.

 

Entretien avec Mme la Juge Socorro Flores Liera

Mme la Juge Socorro Flores Liera, de nationalité mexicaine, fait partie des 18 Juges de la Cour pénale internationale. Elle est entrée en fonction le 11 mars 2021, pour un mandat de 9 ans. Depuis le début de l’année 2023, elle bénéficie d’une formation en français juridique proposée dans le cadre du programme pour le français dans les Organisations internationales et du partenariat entre l’OIF et la CPI.

En quoi les langues sont-elles importantes dans le déroulement d’une procédure pénale internationale ? Pourquoi une telle procédure ne se fait pas dans une seule langue ?

La Cour Pénale Internationale est une institution permanente qui juge les crimes les plus graves touchant l’ensemble de la communauté internationale. Ces crimes peuvent être commis n’importe où dans le monde et avoir un impact énorme sur les communautés qui y vivent.

L’anglais et le français sont parmi les langues les plus parlées au monde et sont également les langues de travail de la Cour. Les juges de la Cour doivent avoir une excellente connaissance d’au moins une des deux langues de travail.

Avoir l’opportunité de comprendre et de travailler dans les deux langues a beaucoup d’avantages, comme le fait de pouvoir écouter les témoins ou les experts francophones s’exprimer dans leur langue maternelle, lire des documents remplis en français par les parties ou étudier des preuves fournies en français. C’est un avantage que de pouvoir consulter les documents dans la langue dans laquelle ils ont été produits.

Les services de traduction et d’interprétation sont également très importants. Les équipes sont d’un grand professionnalisme et leur travail est de grande qualité. Tous les témoins qui s’expriment devant une Chambre bénéficient d’une interpretation en anglais et en français, mais aussi dans toutes les autres langues autorisées. Ainsi, la Chambre peut autoriser l’utilisation d’une langue tierce lorsque les conditions prévues par le Statut de Rome sont réunies, à savoir : les accusé(e)s ou les victimes ne sont pas en mesure de pleinement comprendre ni de s’exprimer dans les langues de travail de la Cour. Enfin, les documents remplis par les parties ne sont pas toujours traduits dans les deux langues de travail. Ils peuvent être rédigés en anglais ou en français. Je préfère toujours les sources originales.

Pourquoi avez-vous décidé de suivre des cours de français et que vous apporte la formation en français juridique proposée par l'OIF et la CPI ?

J’ai été proche du français à différentes occasions, mais sans avoir l’opportunité de l’étudier avec dévouement. Mon arrivée à la Cour, et l’opportunité offerte par l’OIF, m’ont permis de reprendre un agenda en attente. 

Certaines situations présentées à la Cour proviennent de pays francophones. Ecouter les témoins et lire le dossier dans leur langue d’origine est très important et cela enrichit beaucoup la compréhension du juge. Actuellement je suis affectée dans une Chambre qui examine un cas de la République Centrafricaine, un pays francophone, et la pratique de la langue française dans cette procédure est d’une grande utilité pour moi.

(Crédits Photo : © ICC-CPI)

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