La genèse d'un texte fondateur

Déclaration de Bamako

Le 3 novembre 2000, les Etats et gouvernements de la Francophonie adoptaient la Déclaration de Bamako sur les pratiques de la démocratie, des droits et des libertés. Alors Secrétaire général de la Francophonie, Boutros Boutros Ghali détaille la genèse de ce texte, étape majeure dans la construction politique de la Francophonie institutionnelle. Un texte qui figure en préambule de la Déclaration.

C’est lors du VIIIe Sommet de la Francophonie, réuni en septembre 1999 à Moncton, au Nouveau-Brunswick (Canada), que les chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage ont décidé, selon la recommandation émise à Bucarest par la Conférence ministérielle de la Francophonie lors de sa 12e session, d’organiser en l’an 2000 un Symposium international sur le « Bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone», devant permettre d’approfondir leur concertation et leur coopération autour de l’État de droit et de la culture démocratique. Celui-ci s’est tenu, sous le haut patronage de S.E. Monsieur Alpha Oumar Konaré, Président de la République du Mali, à Bamako du 1erau 3 novembre 2000, en présence de près de 400 participants.

Auparavant, dès novembre 1999, à Paris, la 14e session de la Conférence ministérielle de la Francophonie avait approuvé les orientations générales proposées pour la préparation de ce Symposium. Les Ministres avaient convenu que ce dernier ne devrait pas se limiter à un bilan, mais aboutir également à des propositions concrètes, afin de mieux faire de la consolidation de la paix, de la démocratie et de l’État de droit, le premier axe d’intervention prioritaire de la Francophonie, confor­mément au Plan d’action de Moncton. Dans cette optique, la préparation du Symposium devrait être l’occasion d’un vaste mouvement de sensibilisation et de mobilisation de l’ensemble des acteurs et protagonistes du processus démocratique dans l’espace francophone, impliquant non seulement les États et les gouvernements, mais aussi les partis politiques, les syndicats, les médias, les organisations non gouvernementales et toutes les composantes de la société civile.

Par la suite, les travaux préparatoires du Symposium ont consisté en la tenue :

• de réunions thématiques (à N’Djamena en mars 2000, sur les institutions de la démocratie et de l’État de droit ; à Paris, en avril, sur les élections, puis en mai, sur la vie politique ; à Sofia, en juin, sur la culture démocratique) ;

• de conférences (colloque de Yaoundé sur la démocratie et les sociétés plurielles, organisé conjointement avec le Commonwealth en janvier 2000 ; première Conférence des femmes de la Francophonie, à Luxembourg en février, sur le thème « Femmes, pouvoir et développement » ; Conférence de Cotonou, en février également, sur le bilan des Conférences nationales et autres processus de transition démocratique en Afrique, etc.) ;

• de rencontres d’échanges et de concertation (à Paris en avril 2000, entre l’OIF et les organisations internationales et régionales, pour traiter des politiques comparées en faveur de la démocratie, et en juin entre l’OIF et les organisations internationales non gouvernementales partenaires de la Francophonie dans le domaine de l’appui à l’État de droit, à la démocratie et aux droits de l’Homme).

Suite à ces travaux, qui donneront lieu à d’importantes publications, ainsi qu’aux nombreuses consultations menées et aux réflexions développées dans le cadre intergouvernemental, un avant-projet de la Déclaration était adressé, en date du 17 juillet 2000, aux Ministres participant à la Conférence ministérielle de la Francophonie et aux Représentants personnels des chefs d’État et de gouver­nement, membres du Conseil permanent de la Francophonie.

Ces derniers étaient alors invités à communiquer, pour le 1erseptembre 2000, les remarques, les réflexions et les amendements que cet avant-projet pouvait appeler de la part des États et gouvernements. C’est donc un document fortement remanié, tenant le plus grand compte des réponses transmises, qui a été envoyé, le 19 septembre, aux Ministres et aux Représentants personnels, en vue de la 38esession du Conseil permanent de la Francophonie.

C’est dans ce cadre que le Conseil permanent de la Francophonie (CPF), réuni à Alexandrie les 24 et 25 septembre 2000, a décidé en particulier de confier à un groupe ad hoc de rédaction le soin de donner leur forme définitive aux deux documents du Symposium, les projets de Déclaration et de Programme d’action.

Ce groupe, placé sous la présidence de Madame Madina Ly-Tall, Représentant personnel du Président de la République du Mali au CPF, s’est réuni à Paris les 9, 10, 19, 20 et 24 octobre, puis s’est réuni de nouveau plusieurs fois à Bamako pendant le Symposium. Le 2 novembre, Madame Ly-Tall, à l’issue des travaux de ce groupe, a déposé le projet de Déclaration de Bamako, qui a été aussitôt remis pour examen aux chefs des délégations gouvernementales avant d’être diffusé à l’ensemble des participants au Symposium.

Encore enrichi par les résultats des travaux des tables rondes tenues dans le cadre du Symposium, ce projet a enfin été présenté aux chefs des délégations gouvernementales, réunis à huis clos le 3 novembre sous la présidence de Monsieur Modibo Sidibe, Ministre des affaires étrangères et des Maliens de l’extérieur de la République du Mali. À l’issue de cette séance de travail, les participants en ont approuvé, après amendements, la teneur, ainsi que celle du projet de Programme d’action, Annexe à la Déclaration de Bamako. Cette dernière a ensuite été solennellement adoptée lors d’une séance plénière du Symposium.

Ce document, au terme de dix années d’engagement de la Francophonie dans l’accompagnement des processus de démocratisation, revêt une importance majeure pour la Communauté francophone. En effet, par l’adoption de la Déclaration de Bamako :

• la Francophonie est désormais dotée d’un texte normatif sur la démocratie, à l’issue d’un processus inédit, associant pour la première fois États, gouvernements, parlementaires, maires, experts, universitaires, représentants des organisations non gouvernementales, de la société civile et des médias, au service de la démocratie ;

• la Francophonie réitère non seulement sa conviction que Francophonie et démocratie sont indissociables, mais de plus exprime clairement et pour la première fois son rejet des prises du pouvoir par la force, en se donnant les moyens de réagir vigoureusement à toute interruption du processus démocratique et aux violations graves des droits de l’Homme dans l’espace francophone ;

• la Francophonie, afin de soutenir par une mobilisation accrue la réalisation des engagements stratégiques pris par ses États et gouvernements membres, dans un souci de partenariat rénové et de solidarité agissante, entend diversifier et intensifier les actions de coopération qu’elle conduit en faveur de la démocratie ;

• la Francophonie franchit ainsi véritablement, comme l’avaient souhaité à Moncton les chefs d’État et de gouvernement, une étape significative dans le dialogue sur l’approfondissement de la démocratie et le respect des libertés au sein de l’espace francophone, affirmant, en ce sens, sa pleine dimension politique.

 

Boutros Boutros-Ghali

Secrétaire général de la Francophonie

 

 

Partenaires

SÉLECTIONNÉ POUR VOUS