L’œil de Mireille Kissezounnon Adanyossi

Webzine "Education des filles et formation professionnelle des femmes"

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Mireille Kissezounnon Adanyossi : Conseillère technique nationale, Projet éducation, formation technique professionnelle agricole pour les femmes - Cotonou (Bénin)

Où rencontrons-nous les femmes au Bénin ? Principalement dans l’hôtellerie et la restauration où elles occupent jusqu’à 80% des postes, dans les sciences médico-sociales aussi, parfois à plus de 60%. Pour le reste, leur présence reste faible : 10% de femmes dans les sciences techniques et industrielles, environ 20% dans les sciences techniques agricoles.

Enseignante de l’EFTP, j’ai travaillé dans le secteur professionnel agricole puis ai poursuivi des études sur le genre, entre autres. Je suis actuellement conseillère technique nationale pour un projet financé par le NEPAD et mis en œuvre par la GIZ, l’agence allemande de coopération internationale. Dans ce cadre, nous avons lancé un programme de formation professionnelle agricole orienté vers les femmes ( EFTPA-F /GIZ/PDDAA), présent dans six pays africains : le Benin, le Burkina, le Malawi, le Kenya, le Ghana et le Togo. Nous intervenons à deux niveaux : celui de la formation formelle, dans les centres de formation reconnus par l’Etat, et celui de la formation non formelle, en général des formations à la carte ou de courte durée dans des entreprises ciblées des domaines de l’agriculture et de l’agro-business. Dans tous les cas, ce sont les besoins du marché qui motivent les besoins en renforcement de capacités.

En ce qui concerne la formation formelle, nous travaillons avec des centres de formation ayant déjà élaboré des curricula reconnus par le système étatique. Avec les centres d’ingénierie de formations, nous concevons des curricula additionnels selon l’approche par compétences, pour des métiers reconnus porteurs. Nous produisons le matériel de formation et créons les partenariats avec des entreprises agricoles où les jeunes femmes pourront effectuer leurs stages.

Riz étuvé, viande, produits dérivés du soja : des filières créatrices de valeur

Pour la formation non formelle, nous travaillons sur un certain nombre de chaines de valeurs : le riz local étuvé, la production et transformation de la viande ; la transformation du soja en produits dérivés. Là, nous nous appuyons sur des femmes considérées comme des mentors, qui ont accès aux marchés et peuvent aider contractuellement celles qui produisent dans de petites entreprises à trouver des débouchés. Les femmes excellent dans les métiers de transformation – peu d’entre elles affrontent les maillons de la production – là où la transformation de la matière brute produit de la plus-value.

Depuis mai 2017, date du lancement du programme, nous avons déjà formé plus de 1000 Béninoises à ces nouveaux métiers.  Malheureusement, les moyens mis en œuvre ne nous permettent pas de toucher de grandes « transformatrices ». Il est nécessaire que nous donnions un coup de pouce à cette formation.

Améliorer la structure des sols grâce au compost

Au Bénin, un second volet de notre programme concerne le projet de fabrication de compost pour la fertilisation biologique des sols et la production de cultures bios. Ici, des dispositions légales donnent droit à la femme d’hériter de la terre mais force est de constater qu’il existe de grandes disparités dans l’opérationnalisation de cette loi. En réalité, la femme n’hérite pas et même si elle hérite, ce sont souvent les terres les plus pauvres que les hommes lui concèdent. Améliorer la structure des sols devient alors une nécessité.

Une centaine de femmes a déjà été formée mais nous butons sur un problème d’attirance pour le bio. Grâce aux produits chimiques, les plantes sont plus développées et plus  belles, même si elles ne tiennent pas dans la durée. Produites en culture biologique, elles sont moins attirantes et souvent plus chères. D’où la difficulté pour les femmes de se lancer dans une formation destinée à accroître leurs revenus mais dont le débouché dépend de consommateurs encore nourris de préjugés sur le bio, notamment sur son prix.

Oui, il persiste des obstacles à la formation professionnelle au Bénin ! Et d’abord celui de l’accès. La formation professionnelle a un coût extrêmement élevé et ce sont les parents qui supportent la majeure partie des frais inhérents. Des concours sont organisés chaque année pour l’obtention de bourses mais moins de 10% d’apprenants en bénéficient. Et puis lorsque les parents ont le choix d’envoyer en formation un garçon ou une fille, ils choisissent le garçon... À cela s’ajoutent un matériel de formation vétuste, pas adapté à la gente féminine ; le drop-out lié aux grossesses ; le manque d’attrait des filles pour les matières scientifiques avec ce stéréotype de la fille « mauvaise en maths » : autant de motifs qui ne favorisent pas l’accès des filles aux formations techniques professionnelles.

Pour tenter d’éradiquer ce biais, nous avons proposé aux femmes un renforcement de capacité dans les matières scientifiques (mathématiques et sciences physiques) durant les vacances, avant leur entrée dans les lycées techniques professionnels. Le projet n’a pu hélas se réaliser faute de leadership et de financement.

Ce sont les femmes chefs d’entreprises, les rôles modèles féminins qui feront avancer les choses, en sensibilisant les filles à l’esprit d’entreprendre au féminin et en leur permettant des choix d’orientation ambitieux et moins stéréotypés.

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