Dépêchée à Chișinău (Moldavie) à l’occasion des élections législatives du 28 septembre 2025, la Mission électorale de la Francophonie a partagé le 29 septembre un premier bilan de ses observations et analyses. A retrouver dans la déclaration préliminaire ci-dessous.
À l’invitation des autorités moldaves, la Secrétaire générale de la Francophonie, Madame Louise Mushikiwabo, a dépêché une Mission électorale de la Francophonie (MEF) à l’occasion des élections législatives du 28 septembre 2025.
Conduite par Monsieur Philippe Courard, Député, ancien ministre et ancien Secrétaire d’État de la Belgique, la délégation comprenait des experts de haut niveau issus de différents pays francophones ainsi que l’Honorable Suze Youance (Canada), sénatrice représentant l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) et était coordonnée par l’OIF.
Présente à Chișinău du 22 au 30 septembre, cette mission a rencontré les autorités nationales, les institutions en charge des élections (Commission électorale centrale-CEC, Conseil de l’audiovisuel, Cour constitutionnelle), des acteurs politiques, des représentants de la société civile, des journalistes indépendants, des missions diplomatiques francophones accréditées et des missions d’observation électorale.
Conformément à son mandat, la MEF s’est attachée à évaluer les conditions de préparation et de tenue des élections législatives en République de Moldavie, en particulier au regard de la Déclaration de Bamako du 3 novembre 2000, consacrée notamment à la tenue d’élections libres, fiables et transparentes dans les pays de l’espace francophone.
Sur la base des entretiens avec les institutions et acteurs rencontrés et de leurs analyses, la mission relève les constats suivants :
- Les élections législatives se sont déroulées dans un contexte marqué par des enjeux géopolitiques et sociaux-économiques déterminants pour l’avenir de la République de Moldavie, particulièrement liés au processus d’adhésion du pays à l’Union européenne. Le processus électoral a été marqué par des allégations sérieuses d’ingérences étrangères.
- La campagne électorale a été entachée par des « menaces hybrides », à travers des campagnes de désinformation amplifiées par et sur les réseaux sociaux (TikTok, Telegram, etc.), la diffusion de fausses informations, des allégations de financement illégal et des actes de corruption. Ces phénomènes sont accentués par l’usage des outils de l’intelligence artificielle et des tentatives de cyberattaques dénoncées par les autorités et relayées par les médias. Ils visent les organes électoraux, les citoyens et les plus hautes autorités de l’Etat, contribuant à fragiliser la confiance dans l’intégrité et la légitimité des institutions publiques.
- La mission a été informée par des représentants de la société civile et des journalistes des certaines prises de position de représentants religieux perçues comme partisanes, susceptibles d’influencer le comportement électoral de fidèles, en dépit des dispositions constitutionnelles consacrant la séparation des pouvoirs.
- Le cadre juridique des élections est conforme aux principes de la Déclaration de Bamako et aux standards internationaux. Les élections législatives en République de Moldavie sont principalement régies par la Constitution, le Code électoral, la loi sur le Conseil audiovisuel et la loi sur les partis politiques. Ces textes sont complétés par des règlements pris par la CEC ainsi que des instruments internationaux relatifs aux élections démocratiques, ratifiés par le pays.
- Des modifications du cadre légal des élections, visant à lutter contre la corruption, la fraude et la désinformation, ont permis de mettre en œuvre certaines recommandations des observateurs et de la société civile, à la lumière des enseignements tirés des scrutins précédents, renforçant l’intégrité et la sécurité du processus électoral.
- Certains interlocuteurs ont attiré l’attention de la Mission sur l’inadéquation possible entre le nombre élevé d’électeurs potentiels et le nombre limité de bureaux de vote pour les Transnistriens et à l’étranger. Des membres de l’opposition ont contesté cette décision de la CEC, laquelle l’a justifiée notamment par les niveaux de participation lors des précédents scrutins et des considérations de sécurité.
- Selon des interlocuteurs de la MEF, la campagne électorale s’est essentiellement déroulée en ligne, et la Mission a constaté très peu d’activités sur le terrain à une semaine du scrutin.
- La CEC a pris, à quelques jours du scrutin, des décisions de délocalisation de 5 des 12 bureaux de vote pour les Transnistriens afin de garantir la sécurité du processus électoral. Des partis d’opposition rencontrés et des observateurs nationaux ont relevé que ces changements pourraient entraîner des difficultés d’accès aux bureaux de vote et affecter l’exercice du droit des citoyens. La MEF a pu visiter 2 des 5 bureaux de vote délocalisés.

Le jour du scrutin, la MEF s’est rendue dans des bureaux de vote à Chișinău et le long du fleuve Nistru, à Rezina et à Orhei, et a relevé les éléments suivants :
- Le vote s’est déroulé dans le calme et globalement dans le respect des procédures prévues par la législation électorale ;
- Les bureaux de vote ont ouvert et fermé aux heures légales ;
- La signalisation de certains bureaux de vote n’était pas clairement indiquée ;
- Les bureaux de vote étaient dotés du matériel électoral requis et bien organisés ; un dispositif d’urne mobile pour les électeurs ne pouvant pas se déplacer au bureau de vote a été mis en place ;
- Les membres des bureaux de vote ont démontré une bonne maîtrise des procédures et assuré un déroulement professionnel et serein du scrutin ;
- Des représentants des candidats et des observateurs nationaux et internationaux étaient présents dans la majorité des bureaux de vote visités ;
- La clôture des opérations de vote et le dépouillement des bulletins se sont déroulés conformément aux procédures légales ;
- La communication régulière de l’organe électoral et la publication en temps réel des taux de participation désagrégés (géographique, socio-démographie et temporel), ont contribué à renforcer la transparence du processus électoral ;
- Un dispositif visible de forces de l’ordre a été mis en place pour assurer la sécurité des électeurs venant de Transnistrie, suscitant des inquiétudes quant à leur accès à temps aux bureaux de vote.
La Mission tient à saluer l’engagement et le professionnalisme des organes de gestion des élections ainsi que la mobilisation des électeurs moldaves. Dans l’attente des résultats définitifs, la MEF invite les acteurs politiques à privilégier les voies légales en cas de contestation des résultats du scrutin.
La MEF rédigera un rapport circonstancié à l’issue de ces élections, intégrant des recommandations destinées à renforcer le cadre juridique et l’organisation des élections en République de Moldavie. Elle réitère d’ores et déjà la disponibilité de l’OIF à poursuivre son accompagnement en vue de contribuer à la consolidation de la démocratie en République de Moldavie.
Enfin, la Mission électorale de la Francophonie tient à exprimer sa gratitude aux autorités du pays, aux acteurs du processus électoral et, de manière générale, à la population moldave pour l’accueil chaleureux qui lui a été réservé durant son séjour en République de Moldavie.