« {Je me réjouis du fait que depuis que je participe aux réunions de l’ICANN, on n’a jamais parlé autant français dans les sessions et réunions de cette instance de gouvernance de l’Internet qu’à Singapour en 2015} ». Celui qui parle ainsi est, pourtant, le représentant d’un pays francophone du Nord qui a déclenché une polémique parmi les experts des pays d’expression française en intervenant en anglais, au cours d’une réunion du Comité consultatif gouvernemental, organisée à l’occasion de la 52e session des assises de l’[{{ICANN (Société pour l’Attribution des noms de domaines et des Adresses)}}->https://www.icann.org/fr] qui s’est déroulée à Singapour du 7 au 12 février 2015.
Incontestablement, cette rencontre a été marquée par les enjeux linguistiques de la gouvernance de l’Internet. De nombreux experts provenant de pays francophones ont mis un point d’honneur à utiliser la langue française : au cours d’une concertation avec les représentants de la Commission de l’Union européenne, une bonne partie des débats a été faite en français, alors même que la rencontre était censée se dérouler en anglais, sans prévision d’interprétariat en français ou dans une autre langue ; on a vu avec intérêt un Suédois, un Hollandais et un Danois s’efforcer également de parler la langue de Molière ; dans une autre réunion sur la stratégie africaine de l’ICANN 2016-2020, les acteurs francophones ont protesté contre l’absence d’un service d’interprétariat. « {Les francophones doivent s'assumer, si on veut survivre} » dans le secteur de l’Internet, se justifie Laurent Ntumba Kayemba de la RDC.
En dehors de ces enjeux linguistiques, l’OIF a initié le 9 février une concertation afin d’harmoniser les positions des experts francophones sur les grandes questions qui sont actuellement au cœur des débats de la gouvernance mondiale de l’Internet. Prenant acte du fait que la contribution effective de la communauté francophone à ces débats est étroitement liée à la construction et au renforcement des écosystèmes numériques nationaux et régionaux, les participants à la concertation francophone ont adopté un document d’orientation de leurs actions dont les axes stratégiques portent d’une part, sur la gouvernance de l’internet au service du progrès technique, économique et social et, d’autre part, sur la défense et la préservation des intérêts nationaux, mais aussi géoculturels de la Francophonie au sein des grandes enceintes de la gouvernance de l’internet.
{{{Approfondir la démocratisation des relations internationales}}}
La concertation francophone a également mis en place deux groupes de travail. Le premier est chargé de proposer la stratégie à mettre en œuvre pour accroître la participation des représentants de la communauté francophone aux discussions sur le présent et le futur de l’Internet.
Le second porte sur la réforme de l’ICANN en matière de responsabilité et de reddition de compte (plus précisément, le renforcement des mécanismes permettant d’encadrer les décisions prises par son conseil d’administration) et la transition de la supervision des fonctions techniques de gestion et de la coordination de l’adressage sur internet : gestion de la base de données centrale permettant de connecter les extensions de tous les noms de domaines – .COM, .ORG, .FR, .INT… –, suivi de la distribution des adresses IP – les numéros de téléphone du Web – et coordination des paramètres techniques édictés dans les protocoles de l’Internet.
Appelées ‘‘fonctions IANA’’ (Internet Assigned Numbers Authority), en référence à l’organisme américain chargé de sa supervision, elles jouent un rôle critique dans le fonctionnement de l’Internet. En effet, les identifiants coordonnés par IANA servent pour les noms de domaine à identifier des sites Internet, les échanges de courriels électroniques entre correspondants ; pour les adresses IP, à permettre aux ordinateurs ou téléphones portables de se connecter à la toile mondiale ; pour les normes techniques du DNS (Système des Noms de Domaine), à garantir l’unicité ainsi que l'universalité du Net et permettre de l'utiliser de la même façon que l'on soit au Vietnam ou en RDC, ou que l’on travaille sur un ordinateur Macintosh au bureau ou à partir d'un terminal portable dans un avion.
En annonçant le 14 mars 2014, sa disponibilité à transférer à la communauté mondiale son rôle de supervision et de gestion des infrastructures critiques grâce auxquelles l’Internet fonctionne, le gouvernement américain a provoqué l’ouverture d’une période de transition qui devrait, en principe déboucher sur une gouvernance de l’Internet qui prend en compte les intérêts et les préoccupations de toutes les aires géographiques et linguistiques du monde. Les experts francophones sont appelés à apporter leur contribution à ces débats qui participent de la démocratisation des relations internationales.
En plus des préoccupations relatives à l’internationalisation de la gestion de l’infrastructure Internet, les experts francophones ont coordonné leurs positions sur la protection des noms géographiques et celle des dénominations et sigles des organisations internationales dont l’OIF. Ils ont également décidé de défendre la protection de la souveraineté des Etats dans le cadre du débat sur l’interprétation des règles de délégation et de re-délégation des extensions ou noms de domaine nationaux (comme le .bf, .bj, .fr, etc.).
|{{VOIR AUSSI}}|
|[{{Actions de l'OIF pour répondre aux défis de la société de l'information}}->rub452]|
|Pour plus d’information sur ces actions de l'OIF :
Emmanuel V. Adjovi, spécialiste de programme « Société de l’information », [->adjovie@francophonie.org]|