Chapeau

À l'occasion de la Journée internationale de la langue maternelle, le 21 février 2014, Amidou Maïga, Coordonnateur à l'OIF de l'initiative École et langues nationales en Afrique, souligne la capacité des langues africaines et créoles à être des vecteurs de la science, ainsi que les actions menées par l'OIF dans ce sens.

En 1999, le 21 février a été proclamé par l’UNESCO [journée internationale de la langue maternelle->http://www.unesco.org/new/fr/international-mother-language-day]. Le thème de cette année porte sur les « langues locales et citoyenneté mondiale : zoom sur la science ». La citoyenneté mondiale est définie par l’UNESCO comme l’approche qui permet de « contribuer de manière proactive à la création d’un monde plus juste, pacifique, tolérant, inclusif, sûr et durable ». Pour être au rendez-vous de la construction de ce monde plus solidaire, les langues locales doivent pouvoir véhiculer la science aux côtés des langues internationales. L’Organisation internationale de la Francophonie, dans sa promotion de la diversité culturelle et linguistique, mène depuis plusieurs années des actions qui visent à rendre les langues partenaires, africaines et créoles, aptes à exprimer des concepts scientifiques. Bien souvent, les langues locales rencontrent beaucoup de difficultés pour contribuer à la « civilisation de l’universel ». Elles sont considérées, à tort, comme incapables de véhiculer des concepts scientifiques, un préjugé qui n’a aucun fondement. Car les langues, par définition, permettent de rendre compte de la réalité et de qualifier selon leur génie créateur sur le plan lexical toute nouvelle situation. Toutes les langues sont égales en dignité et en capacité virtuelle de rendre le vécu de l’homme et sa réflexion. C’est leur degré d’équipement en termes d’outils qui fait la différence entre elles. Le français lui-même deviendra à la longue incapable d’exprimer les nouveaux concepts scientifiques si la recherche dans certains domaines continue à progresser exclusivement dans la prétendue « langue des sciences », l’anglais. Il n’y a pas une « langue des sciences ». Il y a des langues plus ou moins équipées. Celles qui ont le plus d’outils sont mieux préparées pour véhiculer la science en se servant de leur génie créateur propre et de leur capacité de création lexicale. C’est consciente de cet enjeu majeur que l’OIF a, depuis 1975, à la suite de la conférence générale de Maurice, réservé une place de choix à la promotion des langues partenaires africaines. Elle a animé et continue d’animer divers réseaux multilatéraux qui ont mobilisé plus de six cent chercheurs du sud. Elle a produit dans une approche multilatérale en lien avec ses États et gouvernements membres des outils de référence : les lexiques thématiques de l’Afrique centrale (projet LETAC), les lexiques mandingue et peul (MAPE), les études sociolinguistiques sur la dynamique des langues et des sociétés en Afrique subsaharienne (DYLAN), des descriptions systématiques des langues nationales (DELAN), des dictionnaires monolingues (DIMO) et le dictionnaire trilingue français-lingala-sango (DICO+) que nous présentons cette année. Les sommets de Dakar puis de Chaillot ont permis la réalisation conceptuelle d’un plan décennal d’aménagement linguistique de la francophonie. À cela s’ajoutent les actions entreprises dans le domaine de l’enseignement bilingue conformément aux recommandations des états généraux du français tenus en 2003 à Libreville qui ont vu se développer à l’OIF ces dernières années la didactique convergente et les bi-grammaires avec une place importante faite à la néologie et à la terminologie dans les disciplines scientifiques enseignées à l’école. L’aboutissement de cette réflexion est l’Initiative École et langues nationales en Afrique, ÉLAN-Afrique, qui favorise les apprentissages dans la langue maternelle des enfants. Le multilinguisme et la diversité culturelle de l’Afrique constituent des atouts qui doivent enfin être mis à profit. Il n’est pas vrai qu’apprendre dans les langues africaines et créoles retarde l’accès aux sciences, aux technologies ou aux autres savoirs mondiaux et universels. Les langues africaines et créoles sont capables de rendre la science. Mais le potentiel expressif d’une langue dans le domaine scientifique ne peut se développer que lorsque cette langue est effectivement utilisée pour expliquer les phénomènes scientifiques. La langue est aussi flexible que ses locuteurs. La renaissance africaine passera nécessairement par un engagement politique fort soutenu par une conviction inébranlable des décideurs en la capacité virtuelle et réelle des langues nationales à rendre la science. C’est cet engagement qui fera que les langues nationales seront utilisées comme medium dans l’enseignement et pourront, au terme d’efforts soutenus d’instrumentation et d’une bonne politique d’aménagement, véhiculer la science. C’est là l’un des objectifs de l’Initiative ELAN-Afrique.
|{{21 février : Journée internationale de la langue maternelle}}| |VOIR AUSSI : [{{Un dictionnaire trilingue français-lingala-sango}}->art44881]|