Chapeau

Le 21 février dernier marquait la journée internationale de la langue maternelle. Le thème choisi, « Le livre, vecteur de l’éducation en langue maternelle » constitue un grand défi culturel pour l’école africaine. {Analyse}.

On sait qu’en Afrique la majorité des enfants ne lisent pas dans leurs langues car elles ne sont pas enseignées à l’école. Les langues sont très nombreuses et la plupart d’entre elles n’ont pas de système d’écriture. Que faire alors pour permettre à l’enfant de lire dans sa langue maternelle quand il est prouvé qu’un enfant qui lit, écrit et apprend dans sa langue maternelle, dès les premières années de sa scolarité, acquiert des bases solides pour son développement intellectuel et social futur ? Publier des livres pour les enfants dans les langues nationales est un défi culturel et économique pour les éditeurs, si l’on considère simplement le fait que l’Afrique subsaharienne dispose de la population la plus jeune, avec plus de 130 millions d’enfants en dessous de six ans et des taux élevés d’analphabétisme. Selon l’UNESCO, 56 millions d’enfants n’auront toujours pas accès à l’éducation en 2015 et des millions d’autres quitteront l’école sans avoir acquis les compétences de base pour ne pas tomber dans l’analphabétisme de retour. { {{L'OIF et l'apprentissage dans les langues maternelles}} } Pour répondre à ces préoccupations, l’OIF, à travers son réseau de [centres de lecture et d’animation culturelle (CLAC)->rub335] composé de 300 centres répartis dans 21 pays francophones d’Afrique, de l’Océan indien, de la Caraïbe et du Proche Orient et son projet « [École et Langues Nationales en Afrique » (ELAN-Afrique)->rub354] initié en collaboration avec l’Agence française du développement (AFD), l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) et le Ministère français des Affaires étrangères (MAE), apporte des solutions visant à promouvoir un environnement lettré par le soutien à la formation des professionnels de l’édition et à l’amélioration de méthodes d’apprentissage convergente de la lecture et de l’écriture en français et dans les langues maternelles. _ Avec l’appui du Partenariat Mondial pour l’Education (PME), il est proposé de lancer un volet pilote sur l’enseignement de la lecture et de l’écriture utilisant les langues africaines comme langues d’alphabétisation et d’apprentissage (L1) dans 8 pays partenaires de l’initiative ELAN avec une introduction progressive du français (L2). Le volet « apprendre à lire et à écrire dans une première langue africaine » offre une opportunité de renforcer les capacités des enseignants bilingues dans les domaines de la lecture et de l’écriture, de la transcription des langues nationales en utilisant des méthodologies, techniques et supports didactiques améliorés à partir des recherches récentes en sciences cognitives et en linguistique. Enfin pour encourager la lecture dans les langues nationales, l’OIF a mis en place depuis 1989 le [Prix Kadima->art34976] qui est décerné tous les deux ans pour encourager les recherches appliquées ainsi que les efforts de création littéraire et de traduction dans les langues partenaires africaines et créoles. Cet effort est renforcé par la production de « bi-grammaires » et de dictionnaires plurilingues dans des langues transfrontalières véhiculaires d’Afrique francophone. Mais l’acquisition de la lecture et de l’écriture doit être soutenue par l’édition de livres dans les langues nationales pour éviter que le nouvel apprenant ne tombe définitivement dans l’« analphabétisme de retour». { {{Soutenir les éditeurs et auteurs de manuels scolaires}} } Un défi majeur réside à ce niveau quant à la capacité des éditeurs à utiliser les ressources du numérique, du livre électronique jusqu’au téléphone cellulaire dont l’essor sur le continent peut servir de puissant outil de lecture en langues nationales. Des technologies novatrices alliant l’énergie solaire, Internet et le téléphone portable se profilent pour pouvoir toucher le large public urbain et rural, et la faculté de conversion des claviers et l’accès aux logiciels libres n’en sont que d’autres facteurs favorables. Des efforts sont à fournir pour former les éditeurs et les auteurs de manuels scolaires en langues nationales afin de parfaire leur capacité à produire des contenus didactiques et à éditer des livres adaptés à l’école africaine. La mise en place d’un environnement lettré en langues africaines et dans l’éducation bilingue passe obligatoirement par le développement de l’édition qui se heurte à beaucoup de difficultés. Il reste encore un long chemin à parcourir. « Le livre vecteur de l’éducation en langue maternelle » est une vérité incontournable. Quelle que soit l’importance économique, culturelle et sociale présumée de l’édition de manuels et autres supports éducatifs, en langues africaines, rien ne se fera tant que les décideurs politiques n’auront pas pris les mesures institutionnelles nécessaires pour garantir la reconnaissance officielle du rôle et de la place des langues nationales comme outils et supports de l’enseignement de base.