Sur le terrain avec Sonia Michaud

Webzine "Education des filles et formation professionnelle des femmes"

c

Sonia Michaud : Directrice générale de l’International - Collège Communautaire du Nouveau-Brunswick - Canada, Responsable du positionnement stratégique du CCNB sur la scène internationale à titre de leader francophone en matière de formation professionnelle et technique.

Le collège communautaire du Nouveau Brunswick est la seule institution de formation technique et professionnelle du Nouveau Brunswick, l’un des états membres de la Francophonie. Nous proposons plus de 85 programmes de formation, certains dans des domaines très traditionnels comme le secrétariat, la bureautique, la santé, la cuisine où les femmes sont majoritaires, d’autres non traditionnels comme les métaux, la construction, le bâtiment, l’électricité, les technologies où les femmes sont par contre sous-représentées. Dans ce cas, nous mettons en place des mesures incitatives, notamment des journées spécifiques de promotion et de recrutement ouvertes aux femmes uniquement.

En terme de mixité, si l’on se base sur l’ensemble des programmes de l’institution, oui il y a équité. Dans le détail, c’est autre chose ! Pour être honnête, les femmes demeurent sous-représentées dans les domaines non traditionnels et cela ne concerne pas seulement notre réalité néo-brunswickoise : il en est ainsi à peu près partout dans le monde. Le résultat, c’est que le nombre de femme étant très faible en formation non traditionnelle, le recrutement d’enseignantes est plus difficile. Alors à expertise égale, à compétences égales, nous  valorisons la présence d’une femme.

Casser les codes

Pour tous nos projets internationaux, nous élaborons une stratégie d’équité hommes/femmes. Sur le plan de l’insertion professionnelle, de l’intégration en salle de classe, de l’accompagnement des formateurs dans objectif de les aider à prendre en compte la présence des femmes et même à sensibiliser les familles à l’importance de la FPT pour les filles  En cours, aucunes réticences. Les enseignants apprécient d’accueillir des femmes dans les groupes ; elles livrent des raisonnements que les hommes auraient ignorés et en leur présence, les garçons répriment l’humour macho, les farces un peu sexistes qu’ils affectionnent. La dynamique de classe change radicalement.

Nos projets internationaux comportent des critères ou des indicateurs spécifiques : la proportion homme/femme, le type de femmes recruté, le type d’embuches qu’elles rencontrent. Souvent, les femmes sont conscientes d’avoir mis leurs ambitions de côté, de s’être forgé une image sociale, culturelle pour coller aux attentes de la société. Il s’agit alors de les aider à casser ces codes, leur affirmer qu’elles aussi peuvent intégrer des domaines traditionnellement masculins. Je pense par exemple au secteur minier. De plus en plus des compagnies minières internationales s’ouvrent aux femmes, une formation en prospection minière est d’ailleurs proposée au Cameroun. Ainsi, sur la scène internationale, une dizaine de projets sont en cours pour le CCNB dont certains avec l’OIF pour les pays de la francophonie, mais nous déployons également des programmes dans des pays lusophones et hispanophones comportant toujours cette composante d’équité.

Nouvelles bottes, un programme dédié aux filles

Au Nouveau Brunswick, nous avons lancé en 2018 une nouvelle initiative de développement de la main-d’œuvre, afin d’appuyer les femmes et les filles dans les métiers non traditionnels, et de leur offrir des occasions de mentorat. Un programme nommé Nouvelles bottes qui concerne tant le marché du travail que les programmes de formation dont la représentativité féminine est inférieure à 25%. Son objectif : la promotion, le soutien et le mentorat des femmes dans les métiers spécialisés non traditionnels comme la construction, la maintenance, l'automobile, le camionnage ou le transport.

Pour atteindre ce but, nous avons développé toute une série de partenariats positifs avec l'industrie, les employeurs, le gouvernement, les établissements d'enseignement et les communautés Une bourse d’études d’une valeur de 500 $ CDN est décernée chaque année à une étudiante du CCNB poursuivant un métier non traditionnel et nous organisons la promotion de ces métiers en allant à la rencontre de femmes qui ont réussi à briser certains stéréotypes et à se tailler une place dans des milieux de travail essentiellement masculins. Nous offrons également des occasions de mentorat ainsi que tout un accompagnement pour aider les femmes à prendre leur place dans les nouvelles carrières qui s’offrent à elles.

Des bourses pour la techno

Dans le domaine des technologies où le CCNB est à l’avant-garde mais la présence des filles limitée, nous leur offrons des bourses d’encouragement aux études. Technologies du génie civil, génie du bâtiment, génie mécanique ou encore génie électronique : les filles montrent en général un intérêt restreint pour ces métiers d’ingénieurs aptes à développer les infrastructures d'une région ou d'un pays, qui offrent pourtant de prometteuses perspectives sur de nouveaux marchés émergents. Avec le dégrèvement de la moitié des droits annuels de scolarité, ces bourses visent à les inciter à s’y diriger.

Nous avons également des programmes dans le Big Data, dans le secteur des TIC où là aussi, il n’y a pas encore la parité mais probablement 60% de garçons et 40% filles, hormis certaines années exceptionnelles bien sûr.

Une fille se doit d’être coquette...

Malgré l’ouverture, malgré la promotion et la bonne volonté de toutes et tous, il demeure malheureusement dans les esprits qu’une fille ne doit pas se salir, qu’elle doit rester coquette et jolie. Pour un jeune homme, il est plus facile, plus séduisant de dire : ma copine est secrétaire, que : ma copine fait de la maçonnerie. Ce lien à la féminité reste un des premiers freins à la professionnalisation des femmes dans les métiers non conventionnels. Je me souviens d’une fille qui m’avait raconté : « Moi, chaque fois que je vais pour travailler sur le chantier de construction, tout le monde essaye de m’aider, personne ne me laisse faire parce que les hommes ont peur que je n’y arrive pas. Et je leur réponds : laissez-moi faire, je n’ai pas choisi ce métier inconsciemment, je suis aussi capable qu’un garçon. »  Cette perception fausse du manque de capacité des filles sur le plan physique persiste encore de nos jours.

La détermination, moteur de la parité

Le plus souvent, les étudiantes qui se présentent dans ces formations sont des filles très déterminées, qui ont confiance en elles et savent depuis longtemps ce qu’elles veulent faire. Et habituellement, elles n’ont aucune difficulté à percer sur le marché du travail.

Mais nous avons aussi des adultes, des femmes de 25 ans et plus qui reviennent aux études après quelques années passées sur le marché du travail. En général, elles sont un peu plus matures et assument donc bien mieux leur choix de formation à un métier non conventionnel. Je pense notamment aux métiers d’agent correctionnel, de gardien de prison, où les femmes évoluent dans un milieu très difficile, extrêmement violent, et qui supposent énormément d’entrainement physique, de techniques d’auto-défense. De façon très surprenante, on dénombre 40% de femmes dans ces domaines qui me paraissent bien pires que ceux de la maçonnerie !

En matière de formation professionnelle et technique, pas de discrimination, pas de quotas filles/garçons. Nous essayons simplement de valoriser au maximum les femmes et de démontrer leur potentiel d’emploi.

Partenaires

SÉLECTIONNÉ POUR VOUS