Entretien avec Stanislas BINELI

Secrétaire générale de Alternative Durable pour le Développement

cStanislas Bineli est Secrétaire général de l’ONG Alternative Durable pour le Développement (ADD) basée à Mbalmayo au Cameroun. Depuis 25 ans ADD oeuvre au développement socioéconomique des communautés pauvres et marginalisées du Cameroun. 

De quand date la rencontre entre Alternative Durable pour le Développement et l'OIF ?  

ADD connaît l’OIF depuis environ 15 ans mais ce n’est qu’en 2018 que le rapprochement s’est opéré à la suite notamment de l’appel à candidature pour l’accréditation des OING et ONG auprès de la Conférence. Nous avons donc postulé et en juillet 2018 nous avons été retenus pour intégrer la COING aux côtés de 127 autres organisations de la société civile. Dans la foulée nous avons participé à la Conférence à Erevan en Arménie c’était une très belle opportunité car par le passé nous n’avions jamais eu de lien avec la Francophonie. C’était un moment inoubliable, fait de rencontres et d'échanges stimulants.

Quelle importance a eu cette reconnaissance au sein de la COING pour ADD ?

Cette accréditation a été un tournant dans la vie de notre organisation. De mémoire c’est la première fois qu’ADD rencontrait un aussi grand nombre d'organisations de la société civile. L’Assemblée plénière a été l’occasion de rencontrer de nombreux professionnels. Nous avons appris au contact des autres. Des groupe whatsapp ont été créés. Nous avons maintenant la possibilité de nous parler en direct, d’échanger les bonnes pratiques, de nous donner des conseils. Par ailleurs les organisations partenaires ne sont plus isolées mais travaillent en réseau à l’échelle du continent africain mais également dans le monde entier.  

Pouvez-vous nous présenter un projet né de cette rencontre à Erevan ?

Au delà de la rencontre de très nombreux liens se sont tissés entre certaines ONG africaines et certaines ONG du nord. Ces nombreux liens ont par la suite donné lieu à de très belles initiatives. Ainsi lorsque la Francophonie a lancé dans l’année qui a suivi (en 2019) son appel à initiatives en faveur de la société civile francophone engagée pour la mise en œuvre des ODD, nous avons immédiatement établit un partenariat entre ADD, Agirabcd en France et l’ONG belge VIA Don Bosco et donc concrètement nous avons été chef de fil d’une initiative qui consistait à former des jeunes sur l’entrepreneuriat agropastoral. Nous avons donc postulé à  cet appel à initiatives et notre proposition est sortie première sur l’ensemble des soumissions. Nous avons ensuite constitué une plateforme pour conduire ce projet réalisé au Cameroun. Des experts de chaque ONG ce sont rendus au Cameroun pour former les jeunes concernés par le projet et faire le suivi leurs initiatives. Nous avons ainsi pu constater que cette dynamique de travail et d’échanges entre les trois ONG était une très belle expérience et une très belle opportunité pour mieux construire une démarche de collaboration durable. Aujourd’hui encore nous continuons avec Agirabcd certaines activités de manière bilatérale et également avec VIA Don Bosco avec qui nous avons un programme de formation des jeunes qui s’achève à la fin d’année. Enfin au sein de ADD nous avons également décidé d’encadrer une centaine de petites ONG locales afin de les accompagner pour qu’elles puissent elles aussi se tourner vers l’OIF et ses appels à projet.

Alternative Durable pour le Développement a bénéficié du fonds de solidarité la Francophonie avec Elles, pouvez-vous nous en dire plus ?

Tout d'abord nous félicitons et remercions la Secrétaire générale de la Francophonie d'avoir été à l’initiative de la création du fonds de solidarité La Francophonie avec Elles. C’est une très belle opportunité pour soutenir les femmes vulnérables et plus spécifiquement dans le cadre de notre initiative les femmes bayam selam. Pour être très concrèt, nous sommes tout d’abord partis du fait que dans nos textes, la question du genre et de la promotion de la femme et de l’égalité entre les sexes est inscrite de manière formelle. C’est donc tout naturellement que nous avons souhaité postuler à cet appel à participation pour notre projet qui concerne la promotion de l’entrepreneuriat féminin dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 au Cameroun. Car quand les mesures drastiques de confinement sont arrivées, nous avons senti que les femmes bayam selam étaient en danger. Il leur était en effet impossible de pouvoir maintenir leur activité professionnelle. Nous avons travaillé sur des activités de sensibilisation et de concertation. Nous avons pu rencontrer les femmes concernées par le fonds et ainsi cartographier les bénéficiaires. Nous avons ainsi pu recenser environ 300 femmes dans les localités de Mbalmayo, Yaoundé, Sa'a, Obala, Ntui puis nous les avons sensibilisé sur les mesures barrières, sur le matériel de protection, et les avons également doté de ce matériel.s

En quoi l’apport de l’OIF a t-il été déterminant dans le lancement et la mise en place de ce projet ?

L’OIF a permis à notre organisation d’être très active sur le terrain mais également d’être reconnue par ses paires et l’ensemble de la société civile au niveau du Cameroun. Pour preuve, le ministère des relations extérieures du Cameroun nous a même sollicité pour former une cinquantaine de représentants des organisations de la société civile à la suite de la 2e édition du fonds « La Francophonie avec Elles ». Pour nous ce geste est une vraie reconnaissance par l’Etat camerounais du rôle que notre organisation joue au niveau local. Je dois dire que grâce au fonds de solidarité la Francophonie avec Elles, nous avons localement redonné confiance aux ONG. L’OIF semblait pour la plupart des ONG une organisation inaccessible. C’est très symbolique mais nous avons réussi à faire changer cette vision qu’une partie la société civile camerounaise pouvait avoir sur l’OIF et la Francophonie. Ce serait donc une vraie erreur pour nos Etats de mettre la société civile hors-jeu. Par ailleurs et l’expérience avec le ministère des relations extérieures du Cameroun le prouve, nous avons grâce à l’OIF réussi à valoriser l’apport de la société civile auprès de nos décideurs politiques en montrant qu’elle est un outil efficace pour atteindre des personnes véritablement vulnérables. C’est pourquoi je pense que des organisations comme la notre peuvent être des acteurs majeurs pour faire entendre les voix des communautés locales. Tout cela n’aurait pas pu être possible sans l’apport considérable de l’OIF. 

Qu’est-ce qui selon vous pourrait être amélioré ou renforcé dans le fonctionnement de la COING ?

Je m’inscris fortement dans une démarche d’appel à candidature transparente et ouverte à l’ensemble des acteurs de la société civile. Ainsi celui qui souhaite postuler et qui n’a pas le niveau devra s'engager pour renforcer ses capacités. Mais l’enjeu est donc de penser un mécanisme proposant des outils et ou des formations qui permettent à ces ONG de monter en compétences. En ce sens nous avons une initiative que nous développons régulièrement au sein de notre organisation qui est de former les autres ONG à l'élaboration de projet et de stratégie de mobilisation de fonds. Car si une organisation n’a pas la capacité de pouvoir simplement rédiger convenablement une réponse pour un appel à projet, alors elle ne pourra jamais valoriser comme il se doit son projet et ainsi être retenue. Je pense donc que l’OIF doit pouvoir identifier des personnes ressources au niveau des pays et peut-être penser un mécanisme de renforcement des capacités par les paires. Cela permettrait lors du lancement d'un appel à projet d'offrir plus ou moins les mêmes chances à chaque organisation et d'éviter ainsi l’idée d'une société civile à deux vitesses. Une pour la Francophonie et l'autre non. Par ailleurs, il serait pertinent qu’au niveau de la plateforme on mette en place un mécanisme qui permette la rotation des personnes qui participent à la Conférence. Cela ne doit pas toujours être les mêmes. Il faut que d’autres acteurs au sein des organisations accréditée puissent également participer pour nourrir un élan nouveau. Je pense que même dans les directives on doit arriver à inscrire une telle démarche. Je militerai pour que l’on puisse réellement renouveler la participation au sein de la COING. On peut également réfléchir pour permettre aux structures de se retrouver au niveau national. Enfin je pense qu’il faut encourager les organisations accréditées à publier et commenter sur la platerforme Slack car c’est une vitrine incontournable de ce que nous faisons quotidiennement. 

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