Chapeau

Tribune de la Secrétaire générale de la Francophonie, Louise Mushikiwabo, parue dans le journal Metro UN distribué le 20 mars 2019 aux Nations unies, à l'occasion de la Journée internationale de la Francophonie.

Le monde a considérablement changé depuis l’aube du XXIe siècle. Ces vingt dernières années, le centre de gravité de l’économie mondiale a basculé vers l’Asie, et des langues telles que le mandarin, l’hindi ou le bengali se sont imposées, tandis que l’anglais demeure la langue la plus répandue dans le monde. Dans ce nouveau contexte mondial, j’entends parfois des individus se demander ouvertement si au XXIe siècle, le français a encore le potentiel de conserver son statut de grande langue universelle. Sur ce point, les faits parlent d’eux-mêmes : il y a plus de gens qui parlent français aujourd’hui qu’à toute autre période de l’histoire, et c’est l’une des langues qui connaît l’essor le plus rapide à l’international. En d’autres mots, le français est la cinquième langue la plus répandue dans le monde, la deuxième la plus étudiée et l’une des rares à être parlée sur chaque continent. Elle semble bien placée pour conserver sa nature universelle au cours du siècle. Par ailleurs, son utilité dans les échanges internationaux est toujours reconnue : il s’agit de l’une des langues officielles des Nations unies et de nombreuses autres organisations internationales, comme l’OTAN ou les Jeux olympiques. Au-delà de ces considérations pratiques, l’avenir du français s’annonce d’autant plus radieux qu’en raison de la croissance de la population en Afrique, où sont recensés davantage de francophones que sur tout autre continent, le nombre total de personnes parlant cette langue pourrait passer de 300 millions actuellement à 700 millions d’ici 2050. Le français s’est depuis longtemps débarrassé du fardeau historique du colonialisme pour devenir une langue pleinement intégrée dans les cultures et les histoires personnelles de ceux qui la parlent. Un nombre croissant de jeunes choisissent de l’apprendre, non pas par obligation, mais bien par choix. À cet égard, le cas de mon pays, le Rwanda, est révélateur. Le Rwanda a quatre langues officielles : le kinyarwanda, le swahili, le français et l’anglais, ajouté en 2003. Tous ceux qui prétendaient que l’adjonction d’une nouvelle langue officielle, en plus du kinyarwanda, allait affaiblir le français se sont trompés. Le français est resté largement utilisé et connaît même un renouveau au Rwanda : il existe une longue liste d’attente pour être admis à l’école francophone de Kigali, et les médias en langue française sont répandus dans le pays. Ayant désormais l’honneur de diriger l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), constituée de 88 États membres dont la plupart sont situés hors d’Europe, j’ai moi-même la chance de constater que le français nous permet de partager nos expériences et nos expertises, tout en nous offrant l’opportunité de progresser ensemble. Le français est plus que jamais un objet de désir : une manière de promouvoir le développement économique, d’accéder à une éducation de qualité, et de proposer à notre jeunesse des opportunités de formation et d’emploi intéressantes. Il est notre héritage historique, une ressource qu’il faut préserver et une langue de plus en plus multiculturelle qui s’avère un atout pour l’avenir de nos étudiants. Aujourd’hui, alors que nous célébrons la francophonie, je forme le vœu qu’avec la contribution de l’OIF, la langue française continue d’être reconnue dans le monde entier comme une langue du XXIe siècle, une langue qui a su accepter sa diversité sans pour autant perdre son caractère.