Gros plan sur la formation professionnelle et technique

Webzine "Education des filles et formation professionnelle des femmes"

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La jeune génération est confrontée à un monde changeant. Près de la moitié des métiers existants – soit environ 2 milliards d’emplois – sont menacés de disparition en raison de l’automatisation des décennies à venir. Les nouvelles technologies risquent moins de créer de nouveaux emplois que d’en détruire et la demande pour un niveau de compétences plus élevé va augmenter*.

Alors que la nature du travail évolue vers un accroissement du nombre des emplois techniques, les filles restent cantonnées aux filières sociales ou de service, les garçons aux métiers techniques et à la construction. Le secteur de la formation professionnelle et technique (FPT) connait encore aujourd’hui une forte polarisation genrée, reflet des stéréotypes sexistes acquis dès le plus jeune âge et qui persistent dans les manuels, les comportements des enseignants, les conduites des employeurs - corvées de nettoyage reléguées aux filles, harcèlement sexuel, discrimination à l’emploi etc.

Dans le contexte d’insertion à l’économie et à l’emploi, la prise en compte systématique de l’égalité entre les femmes et les hommes est une des questions récurrentes qui se posent aux États engagés dans la réforme de leurs systèmes de FPT et dans les réformes économiques.

Comment venir à bout des disparités de genre dans l’accès à la formation professionnelle, à l’emploi et aux opportunités offertes sur les marchés porteurs ?

Depuis 1994, l’OIF accompagne ses Etats et gouvernements dans la construction de stratégies en adéquation avec la demande, les besoins et les opportunités du marché du travail, afin de réduire la pauvreté dans les pays concernés.

 

Mettre fin aux inégalités de genre, favoriser, à travers l’éducation et la formation professionnelle, l’émancipation de toutes les femmes et les filles d’ici à 2030 

 

En accompagnant les États dans l’élaboration et la mise en œuvre de politiques publiques de formation professionnelle et technique

En formant les enseignants de la formation professionnelle et technique à des approches pédagogiques innovantes axées sur les compétences que les jeunes doivent acquérir pour exercer un métier

En soutenant la mise en place d’outils de mesure et d’analyse de l’insertion des diplômés de la formation professionnelle et technique,

l’OIF contribue :

À la mise en œuvre de réformes innovantes en éducation

Au renforcement de l’enseignement bilingue qui facilite l’apprentissage et offre une ouverture vers le monde à de nombreux enfants

À l’amélioration des compétences des enseignants et à accroître l’insertion professionnelle des jeunes

 

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LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET TECHNIQUE

 

Comment ça marche ?

Trois axes structurent les programmes d’insertion et de formation professionnelle des jeunes, explique Barbara Murtin, spécialiste de programme pour la formation et l'insertion professionnelle des jeunes à l’OIF/IFEF.

Le premier est un appui à l’analyse des emplois, à l’orientation professionnelle et à l’évaluation externe des dispositifs. Il s’agit de construire les formations autour des besoins réels de l’emploi, en prenant connaissance des secteurs d’activité qui recrutent, pour y diriger les jeunes et évaluer leurs performances. C’est par les besoins en emploi et non par l’offre de formation professionnelle que s’organise l’orientation professionnelle.

Le second concerne l’élaboration de programmes selon une approche par compétences, une méthodologie internationale qui fixe les compétences à atteindre dans un référentiel pour un métier déterminé. Lorsque sont établis les secteurs économiques porteurs, l’OIF/IFEF propose ses programmes aux entreprises partenaires. Ce sont ces dernières qui valident les qualifications que les jeunes doivent acquérir, non les fonctionnaires de l’Etat.

Le troisième axe concerne les pays où le français n’est pas une langue d’enseignement mais où sont tissés des liens avec les francophones, c’est le cas du tourisme par exemple. Là, l’OIF/IFEF développe les méthodologies nécessaires pour que les professeurs des filières touristiques dispensent leurs cours dans la langue de Molière et que les jeunes acquièrent une connaissance professionnelle du français suffisamment large de manière à trouver un emploi plus rémunérateur, en phase avec les attentes des employeurs.

 

De nouveaux métiers pour les filles

C’est dans le cadre du second axe que l’OIF a mis en place une formation destinée à de nouveaux métiers qui ouvrent des perspectives aux jeunes filles. Au Cameroun, la formation a visé le métier de prospecteur (trice) minier. Le pays dispose de nombreuses mines, le seul métier dans ce domaine où les femmes pouvaient être pleinement acceptées et constituer une plus value, c’était la prospection minière - un métier pointu et demandé. Au Bénin, en lien avec la transformation des fruits et légumes, c’est  le métier de technicien(ienne) en agro-alimentation qui a été déployé. C’était nouveau puisque l’on compte peu de consommation locale de fruits et de légumes et peu de transformation. Aujourd’hui, ces deux programmes donnent de bons résultats en terme d’admission et d’employabilité des filles après l’obtention de leur diplôme.

Au Vietnam, le secteur en pleine croissance est celui des superettes. La Chine comme le Vietnam fabriquent et transforment de nombreux produits agro-alimentaires et en importent peu d’Europe. Face à la progression des supérettes permettant de mieux écouler les marchandises locales, l’OIF a ouvert deux formations : l’une en logisticien et logisticienne, l’autre en management de supérette de moyenne envergure. Là, non seulement les filles ont massivement répondu mais convaincus, les employeurs les ont aussi massivement recrutées. Le taux d’insertion a atteint les cent pour cent.

 

Dans les secteurs traditionnels...

Mécanique auto, agriculture, électronique, maintenance industrielle, climatisation etc. : tous ces métiers traditionnels acceptent surtout les garçons. Bien que l’offre de formation s’adresse à tous, que les filles peuvent y souscrire et y sont encouragées – on découvre toujours une ou deux filles alibis dans chaque classe – c’est le recrutement à la sortie qui s’avère difficile. Non seulement les patrons ne recrutent pas facilement des filles mais lorsqu’ils les embauchent, elles sont la proie de harcèlements incessants, pas forcément très méchants mais constants, qui constituent un véritable problème. Elles subissent ces violences parce qu’elles forment une minorité. Comment alors les inciter à suivre ces formations ? Elles n’ont pas envie d’aller dans ces filières, leurs parents n’ont pas envie de les y envoyer non plus. Changer les mentalités prendra du temps. Il faut encourager, discuter, montrer les bons exemples comme celui de Dakar où une jeune mécanicienne a ouvert un garage en y employant une majorité de filles et a ainsi fait la Une de tous les journaux ! Comme les garçons sont en minorité, il n’y a pas de harcèlement et entre elles, les filles sont suffisamment protégées.

Voilà probablement comment imaginer l’avenir dans cette économie formelle où de nouveaux métiers non sexués ouvrent également des perspectives d’emploi aux filles. Ce sont les métiers en lien avec les TIC, les Technologies de l’Information et de la Communication, les métiers des services, les métiers de l’écologie. En Ethiopie notamment, nombre de filles travaillent dans les entreprises formelles des secteurs de la mécanique automobile et de la mécanique industrielle où elles occupent des postes d’acheteuses pour la centrale d’achat. Ce sont de nouveaux métiers, moins marqués culturellement et en émergence pour l’Afrique.

 

... et en créatrices d’entreprises

60 à 90% de la population active africaine occupent un emploi dans l'économie informelle dont l’utilité première est de fournir du travail et du revenu à ceux et à celles qui en sont privés. Les femmes y sont donc davantage exposées. Contrairement au secteur formel, le secteur informel est plus fortement marqué par les aspects culturels, il y est donc plus difficile de bouger les lignes concernant le genre. 90% des jeunes sortant de la formation professionnelle trouvent leur emploi dans cette économie, en réalité l’économie de base, et créent leurs propres entreprises, souvent dans les services, le commerce ou encore l’agriculture. Avec peu d’employés, des patrons ou des apprentis, s’y faire embaucher s’avère compliqué pour les filles. Sauf à créer elles-mêmes leur propre entreprise. Et la bonne nouvelle, c’est qu’il y est facile de le faire ! Une des perspectives en terme de formation réside donc dans la capacité à offrir aux filles à la fois une compétence professionnelle et les moyens de créer leurs propres établissements pour qu’elles puissent s’affranchir de l’étape de subordination et recruter d’autres filles. Voilà probablement une des voies intéressantes pour faire bouger les lignes.

Lorsque le niveau d'éducation augmente, le niveau d'informalité recule. La formation professionnelle reste un moyen de se prémunir contre le travail informel. 

 

* Voir educationcommission.org

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